Jardinage en ville: la question du substrat et de sa durabilité

Publié le 24 Août 2013

Si comme moi vous jardinez en ville, vous vous êtes probablement rendu compte que le substrat (c-a-d la matière que l'on met dans les pots et qui permet aux racines de se développer, de maintenir la plante bien ancrée et de fournir les éléments minéraux nécessaires à sa croissance) est d'une importance capitale du moment où la plante pousse dans un contenant séparé du sol "naturel".

Vous avez peut-être fait, comme moi, l'expérience d'une plantation dans un terreau "usé" qui se traduit, immanquablement, par une piètre croissance de la plante. Pour pallier à la pauvreté d'un substrat vous avez probablement fait appel à des engrais, chimiques ou organiques, qui enrichissent le substrat pour fournir à la plante sa "nourriture" minérale.

La question que je me pose depuis quelques temps est la suivante: existe-t-il une manière de rendre le substrat des pots durable? Ou dit autrement: existe-t-il un substrat, ou une technique de plantation, qui ne nécessite pas de "changer la terre" des pots chaque année et qui permet de limiter l'utilisation d'engrais tout en assurant une bonne croissance des plantes?

Ce questionnement, qui peut paraître secondaire à première vue, me semble en fait fondamental dans une démarche durable intégrale: si l'on choisit de faire pousser des légumes sur son balcon mais qu'on le fait à coup d'apports d'engrais chimiques produits à partir de techniques d'extraction délétères pour l'environnement, n'est-on pas dans une démarche illogique?

En outre on invoque souvent dans le choix ou l'envie de faire pousser des plantes en ville le désir de créer un pôle de biodiversité. Or, pour ma part, je vois la biodiversité comme un tout et, au delà de maintenir, ou de faire réapparaître, certaines espèces animales ou végétales en ville, il me semble que l'objectif du jardinage urbain devrait être de créer un biotope auto-suffisant qui évolue par lui-même, en étant évidemment façonné par la main de l'homme, mais sans être "sous perfusion".

Ces reflexions m'ont donc amené naturellement à me poser des questions quant à la nature du substrat que j'utilise dans mes bacs. A l'époque de la plantation, je n'avais pas réellement pris conscience du problème et, contre toute attente, j'avais utilisé une "terre de jardin" achetée en jardinerie. A posteriori il s'agit probablement d'un moins mauvais choix que du terreau mais sans doute pas d'un choix optimal.

Parallèlement, j'ai progressivement constaté que les déchets végétaux (issus des tailles ou des épluchures de légumes) que je rependais dans les bacs étaient rapidement et systématiquement dégradés: la terre vit!

Vers, insectes, micro-organismes, etc: en fouillant un peu mes bacs je me suis rendu compte du potentiel d'auto-gestion de la terre de mes bacs. Toute cette micro faune absorbe les déchets végétaux, les digère et produit des éléments minéraux potentiellement disponibles pour les plantes. L'équation paraît alors simple: si je parviens à donner suffisamment de "nourriture" à cette faune sous-terrestre sous forme de débris végétaux, cela devrait permettre de fournir la nourriture minérale nécessaire aux plantes.

Mais plusieurs questions apparaissent alors: sous quelle forme apporter les débris végétaux? En quelle quantité? A quelle époque de l'année?

Il y a quelques temps j'ai entendu parler des jardins expérimentaux sur les toits d'AgroParisTech (l'école d’ingénieur dans laquelle j'ai étudié à Paris). Des expériences y sont menées pour rechercher une composition de substrat durable et auto-suffisant. Voici une vidéo réalisée pour Le Monde:

Grosso modo, selon Nicolas Bel, il s'agit donc d'alterner des couches de déchets "bruns"composés de broyats de bois et d'écorces (pouvant provenir d'élagage d'arbres de ville) et des couches de compost, lui même issue de la technique de compostage qui peut être réalisée en ville à partir d'éléments végétaux urbains, toujours dans un souci d'auto-suffisance.

En revanche, Nicolas Bel ne précise pas dans la vidéo comment le substrat évolue d'une année sur l'autre. Certes il montre que plusieurs cultures successives sont possibles sur ce substrat durant une année de végétation mais pas comment celui-ci évolue à plus long terme.

Il est toutefois probable qu'une fois la base du substrat constituée, l'ajout d'une couche de déchets bruns et d'une couche de compost pas an soit nécessaire, afin de maintenir la quantité de minéraux dont une partie est exportée avec la récolte des fruits, légumes ou avec la chute des feuilles non récupérées pour le paillage des bacs.

Car voilà le vrai problème: l'exportation des minéraux. Pour réduire ce risque au minimum, il faudrait enfouir dans les pots la totalité de la matière végétale qui s'est développée dans ces mêmes pots. Or cela est doublement impossible: d'une part car, dans le cas d'une culture potagère, une partie de ces minéraux est exportée pour l'alimentation et d'autre part car une partie des déchets végétaux est immanquablement perdu (vent, intempéries).

Cela étant dit, en enfouissant tout ce qui peut l'être (sous la forme de paillage hivernal par exemple), et en s'aidant de la technique de Nicolas Bel, il semble que la solution soit à portée de main.

D'autre part, il est possible de faire pousser des plantes de la famille des légumineuses qui ont la particularité de fixer l'azote de l'air dans le sol. Ce sont des plantes assez géniales pour l'agriculture urbaine puisque, en fin de vie, si elles sont enfouies à l'endroit où elles ont poussé, leur bilan minéral est positif: leur dégradation apporte globalement plus de minéraux que ce qu'elles ont utilisé durant leur croissance.

Les bacs sur le toit d'AgroParisTech (Crédits photo : Mairie de Paris - François Grunberg)

Les bacs sur le toit d'AgroParisTech (Crédits photo : Mairie de Paris - François Grunberg)

Récapitulons:

  • une base mixte constituée de déchets bruns et de compost,
  • un "retour à la terre" systématique de tous les déchets végétaux ayant poussé dans les pots et qui peuvent être enfouis ou étendus en guise de paillage,
  • un apport de compost et de déchets bruns par an,
  • une utilisation intelligente des légumineuses

Voilà une solution qui mérite d'être testée.

Rendez-vous dans quelques temps pour en tirer les leçons!

Rédigé par Le jardinier nancéien

Publié dans #Techniques

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J
Pour tout comprendre sur la terre, je conseille les vidéos et autres livres de Claude et Lydia Bourguignon.
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